
'histoire d'Héraclès commence lors d'une belle journée
ensoleillée, depuis le sommet de l'Olympe, Zeus contemple paisiblement
les plaines fertiles et les innombrables cités naissantes de
la péninsule hellénique. Son regard se perd en Béotie
et dans le Péloponnèse puis, brusquement, il s'arrête
sur une jolie jeune fille d'Argolide: la sublime Alcmène, petite-fille
de Persée et princesse de Mycènes, chante, avec la grâce
d'une nymphe, au retour espéré de son fiancé Amphitryon,
parti à la guerre. Charmé par la vision de cette délicieuse
mortelle, Zeus s'élance à sa rencontre, tel un aigle sur
sa proie; peu importe la colère d'Héra, il assouvirait
son appétit sexuel. Fidèle à son habitude, c'est
par la métamorphose qu'il compte arriver à ses fins et,
sous les traits d'un Amphitryon triomphateur, le dieu de l'Olympe pénètre
dans la chambre d'Alcmène... On raconte que Zeus, ayant prît
tant de plaisir avec la princesse, prolongea la nuit de vingt-quatre
heures et fit lever le soleil une journée plus tard. Au final
de cette très longue union, Zeus-Amphitryon offre à Alcmène
une coupe qu'il dit avoir reçu de ses soldats puis il s'enfuit
à la vitesse du vent sans lui révéler sa véritable
identité. Mais la jalouse Héra est très vite au
courant de l'infidélité de son mari et dès lors,
bien avant qu'il naisse, elle éprouvera une haine sans limite
pour le petit bâtard que porte Alcmène.
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Alcmène avec Zeus déguisé
en Amphitryon, pastel, Lovis Corinth, 1920. |
Quand le véritable Amphitryon, de retour de sa
campagne militaire, se présente devant sa fiancée il est
un peu surpris par la froideur de son accueil: en effet, aucune larme
versée ni de cris de joie viennent perturber les retrouvailles.
Sans y porter guère plus d'attention, il emporte Alcmène
dans sa chambre et s'y enferme pour une longue nuit d'étreintes
amoureuses que la princesse trouva, très naturellement, fort courte...
Un accouchement difficile
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L'accouchement d'Alcmène,
dessin, anonyme, XVIème siècle. |
Trois saisons plus tard, près des portes "Electres"de
la cité de Thèbes, le quatrième jour du mois, Alcmène
donne naissance à deux jumeaux: l'un, nommé Iphiclès,
est le fils d'Amphitryon, l'autre, fils de Zeus, est baptisé Alkeidès
("descendant d'Alkaios"), il n'est autre que le futur Héraclès.
L'accouchement fut particulièrement éprouvant pour la pauvre
Alcmène (sept jours et sept nuits de travail!), en effet, la perfide
Héra voulait à tout pris retarder la naissance du fils illégitime
de Zeus et avancer celle d'un autre descendant de Persée, Eurysthée,
afin qu'il soit le seul héritier du trône de Mycènes.
Devant tant d'acharnement et craignant la rancune d'Héra, Alcmène
se résout à abandonner l'enfant de tous les malheurs: avec
la plus grande discrétion elle le dépose aux portes Néistai,
le "champ d'Héraclès", où la déesse
Athéna le découvre. Prise de tendresse pour ce bébé
abandonné elle imagine un stratagème: lors d'une promenade
avec Héra elle la persuade de donner le sein à cet enfant
affamé qui pleure au milieu de la plaine. N'ayant pas reconnu le
petit bâtard, Héra offrit généreusement sa
poitrine au nourrisson qui tira si goulûment sur le téton
de la déesse qu'il lui fit mal; elle le rejeta et de son sein coulaient
les dernières gouttes du lait qui allait laisser dans le ciel la
célèbre Voie lactée. Cet épisode constitue,
pour Héraclès, une première étape dans sa
quête vers l'immortalité; en ayant goûté le
lait d'Héra son destin se lie étroitement avec celui des
dieux de l'Olympe ce qui préfigure déjà son apothéose
à venir. Quant à Athéna, satisfaite de sa ruse, elle
rendit l’enfant vorace à sa mère et prit bien soin
qu’Alcmène ne réitérât pas pareille folie.
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L'origine de la voie
lactée, huile sur toile, Le Tintoret, 1570. |
Plusieurs mois plus tard, le petit Alkeidès accomplit
son tout premier exploit dans le berceau; une nouvelle fois c’est
Héra qui en est la source : en pleine nuit, elle dépose
dans le couffin des jumeaux deux serpents venimeux. Et tandis que le petit
Iphiclès hurle de terreur et demande le secours de ses parents,
Alkeidès ,lui, attrape vigoureusement les deux assaillants et les
étouffe dans chacune de ses solides petites mains. Quand Alcmène
et Amphitryon entrent dans la chambre ils ne peuvent que constater l’extraordinaire
caractère de cet enfant qui agite le corps inertes des serpents
comme s’il s’agissait de vulgaires hochets. C’est après
ce premier exploit qu’Alkeidès reçoit le nom d’Héraclès
("celui à qui Héra donne la gloire").
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Héraclès
enfant étranglant un serpent, bronze antique. |
Héraclès
étouffant les serpents,
fresque Pompéienne, Ier avJC. |
Héraclès
étranglant les deux serpents, stamnos à figures
rouges, 480-470 avJC. |
De prestigieux précepteurs
Toute sa jeunesse, Héraclès va jouir de l'éducation
la plus soignée de Thèbes; en plus des leçons de
charrerie que lui enseigne Amphitryon, ce dernier lui fournit les meilleurs
précepteurs de toute la Grèce: Linos, le frère d'Orphée,
lui apprend l'art de la musique et des lettres, Eurytos (propriétaire
du célèbre arc à double courbure dont héritera
Ulysse) lui enseigne le tir à l'arc, Autolycos, le grand-père
d'Ulysse, avec ses feintes et ses prises savantes l'éduque dans
l'art subtil de la lutte, Castor l'initie à l'art de la guerre
et Pollux au maniement des armes... rien n'est trop beau pour développer
les immenses aptitudes du jeune colosse.
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Hercule apprenant
à jouer de la lyre, dessin, Nicolas Poussin, XVIIème
siècle. |
Une triste leçon de solfège
Mais si Héraclès brillait dans les activités sportives
et militaires, éveillant parfois l'admiration de ses maîtres,
il était beaucoup moins habile pour les arts et les choses de l'esprit.
D'ailleurs le malheureux Linos l'apprit à ses dépens: durant
une leçon de musique il s'irrita de la mauvaise volonté
d'Héraclès et lui donna un coup de bâton auquel l'élève
répondit derechef en lui écrasant sa cithare sur le crâne
avec une force telle qu'il le tua sur le coup.
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Hercule frappant
son maître Linos, dessin, copie d'après Poussin,
XVIIème siècle. |
A la suite de ce "léger" incident et
craignant un nouvel exploit de son fils adoptif, Amphitryon envoya Héraclès
garder ses troupeaux de vaches au plus grand plaisir de ce dernier. Ainsi,
le jeune berger grandit paisiblement dans les plaines de Béotie
acquérant rapidement une force titanesque et une stature colossale.
A dix-huit ans, il atteignait déjà 2.07 mètres et
ceux qui tentaient d’approcher son bétail d’un peu
trop près goûtaient à la précision de son arc
ou de son javelot.
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Hercule hésitant
entre le vice et la vertu, huile sur toile, Gérard de
Lairesse, XVIIème siècle. |
Cinquante nuits chez Thespios
La première véritable épreuve d’Héraclès
a lieu à ses 18 ans lorsqu’il chasse et tue le terrible lion
de la région de Cithéron (entre la Béotie et l’Attique).
Le fauve ravageait les troupeaux de son père adoptif Amphitryon
et surtout ceux de Thespios, roi de Thespies. Ce dernier hébergea
50 jours le jeune colosse, le temps que dura la traque; or Thespios ayant
50 filles il se résolut à toutes les unir à ce demi-dieu
à l’allure royale: ainsi, chaque soir, il mettait l’une
de ses filles dans le lit d’Héraclès sans que ce dernier
ne se rende compte de rien. De ces cinquante nuits d’amour naquirent
les cinquante Thespiades, colonisateurs de la Sicile.
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Hercule et les filles
de Thespius, huile
sur toile, Gustave Moreau, XIXème siècle. |
Les filles de Thespius,
huile sur toile,
Gustave Moreau, XIXème siècle. |
Après avoir vaincu le lion de Cithéron,
Héraclès vêt la peau de l’animal et se coiffe
de ses mâchoires comme s’il s’agissait d’un casque
(rituel qu’il renouvellera lors de son premier travail) puis il
retourne à ses occupations routinières et bucoliques.
Le tribut d'Erginos
Sur le chemin du retour, le héros croise deux hérauts d'Erginos,
roi d'Orchomène, la cité la plus puissante de Béotie,
venus prélever le terrible tribut qui asservissait les thébains
depuis plusieurs années; il consistait à livrer 100 vaches
par an durant une période de 20 ans. Héraclès les
accueille comme il se doit: il leur coupe le nez, les mains et les oreilles
et les leur attache au cou... et les deux précepteurs s’enfuient
présenter le nouveau tribut à Erginos. Ce dernier, humilié
et furieux, réunit tous les minyens en âge de combattre puis
engage son armée dans un raid contre Thèbes. A l'approche
des ennemis, Héraclès rassemble toutes les forces thébaines
à sa disposition et organise les manœuvres avec une aisance
déconcertante. Menant ses troupes avec force et courage il met
rapidement en déroute l’armée minyenne et tue Erginos
de ses propres mains. Dans un élan victorieux, les thébains
rasent la cité d’Orchomène et incendient les palais
royaux. Le héros impose aux vaincus le tribut double qu’ils
percevaient jusqu’alors ce qui libère définitivement
la cité de Thèbes et la convertit en principale capitale
de la région. A la suite de cette brillante victoire, Héraclès
reçoit une série de présents: Créon, roi de
Thèbes, lui concède sa fille Mégare en mariage pour
récompenser sa vaillance au combat; puis il reçoit des dieux
de l’Olympe différentes armes (d’Hermès, une
épée, d’Apollon, un arc, d’Héphaïstos,
une cuirasse d’or, d’Athéna, un peplos) auxquelles
il préfèrera toujours sa massue en bois d’olivier.
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Le mariage d'Hercule
et de Mégare, dessin, anonyme, XVIIème siècle. |
Une terrible crise de démence
Alors qu'Héraclès semblait avoir trouvé paix et sérénité
aux côtés de Mégare, la cruelle Héra intervient
de nouveau en sa défaveur... Convoqués par son cousin Eurysthée
pour réaliser quelques travaux, le héros consulte l'oracle
de Delphes; celui-ci le pousse à obéir et lui promet en
échange l'immortalité. Mais Héraclès hésite
encore, il rentre chez lui sans avoir pris sa décision, évidemment
la vie éternelle le tente mais le fait de se voir commander par
un roi d'une lignée inférieure à la sienne le révulse
et le plonge dans un profond désarroi. C’est à ce
moment qu’Héra passe à l’action : profitant
de l’occasion elle lui jette un sort et le rend fou furieux. Inconscient,
rempli de rage destructrice et armé de son arc, il tue ses trois
fils, sa femme Mégare et deux fils d’Iphiclès qui
passaient par là... Quand il revient à la raison, il ne
peut que constater les dégâts; sa famille décimée
il n’a plus qu’à partir en exil afin d’y expier
son terrible crime. Face à son destin, il se rend donc chez Eurysthée
et se soumet modestement à la première des douze épreuves.
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La démence
d'Héraclès, dessin
préparatoire, XVIIème siècle (?). |
La folie d'Hercule,
relief, Antonio Canova. |