SYMBOLISME
ans la mythologie grecque, Héraclès est la
personnification du courage et de la force physique ; il
constitue l’une des figures les plus populaires de la
culture occidentale. Ses célèbres "douze
travaux" paraissent à la fois surgir du mythe et
de la saga héroïque : divers éléments
nous laissent à penser que son histoire s’inspire
d’une figure historique aujourd’hui oubliée.
En effet, beaucoup de ses épreuves présentent
de grandes ressemblances avec certains mythes d’autres
pays de l’est de la Méditerranée, on pense
notamment à l’épopée sumérienne
de Gilgamesh mettant en scène un héros qui, comme
Héraclès, tuait un lion et descendait dans le
monde des morts. Dans la Grèce antique, Héraclès
est le protecteur du peuple et le gardien des cités ;
son culte va se répandre dans toute la Méditerranée
et notamment chez les romains où, sous le pseudonyme
d’Hercule, il acquiert une grande importance.
Le succès d’Héraclès est dû
très certainement à la nature de ses dons, à
savoir sa vigueur physique et sa grande capacité copulative.
A cette puissance physique s’ajoutent plusieurs vertus
morales comme sa soif de justice ou son goût pour les
aventures. Cependant, Héraclès est avant toute
chose un personnage profondément déchiré :
en tant que fils de Zeus, il tend à la sublimation spirituelle,
mais, repoussé par Héra dès le berceau,
il souffre de ce manque d’affection que seule la déesse
saurait combler ; de là surgit son dramatique déséquilibre
psychologique. Héraclès est ainsi écartelé
entre sa vocation céleste et ses malheureuses rechutes
qui le conduisent aux actions les plus vulgaires ou aux meurtres
les plus atroces : c’est peut-être aussi grâce
à cette dualité que le héros révèle
toute sa grandeur.
Les douze travaux ont été considérés
par l’humaniste italien Andrea Alciati (1492-1550) comme
des symboles de réalités aussi diverses que le
mépris envers les médiocres, l’éternité
de la vertu ou la force de l’éloquence. Mais avant
toute chose, les travaux convertissent Héraclès
en symbole de la libération individuelle et de la quête
de l’immortalité à travers l’expiation
de ses péchés. C’est dans la douleur et
grâce à son "effort héroïque"
que Héraclès parvient à vaincre, à
exterminer ou à dominer tous les monstres (symboles de
fléaux, de vices ou de forces du mal) qui croisent son
chemin. Suivant les ordres d’Eurysthée, Héraclès
enchaîne les épreuves les unes après les
autres et il ne peut pas commencer un nouveau travail sans avoir
accomplit le précédent ; ainsi, selon les
mots de Paul Diel, le héros progresse à l’intérieur
d’un processus ordonné de lutte progressive en
évolution.
C’est pour ces différentes raisons que les alchimistes
du Moyen-âge interprètent le mythe d’Héraclès
comme la figuration du combat spirituel qui mène à
la conquête des pommes d’or du jardin des Hespérides,
autrement dit à l’immortalité. Dans un autre
point de vue, une exégèse chrétienne a associé
les douze travaux à des "épreuves de l’âme"
dans le chemin de la perfection et par extension, on identifie le
Christ à une espèce de "Hercule chrétien",
or il est évident que le héros ne propose rien aux
hommes qui ne soit comparable au message du messie et sa mort ne
vaut que pour lui-même et non pas pour l’humanité
toute entière.
Nombreux de ses travaux ont souvent été associés
à certains rites de l’Antiquité pré-
hellénistique : ainsi le combat contre un taureau
ou contre un homme déguisé en taureau serait l’une
des épreuves destinées aux jeunes aspirants crétois.
Toujours est-il que le héros accomplit, lui, chacune
de ses épreuves au péril de sa vie armé
d’une simple massue (moins un symbole de victoire que
d’écrasement ou d’anéantissement)
et vêtu, tel un vagabond, d’une peau de lion, animal
à fort caractère solaire chez les peuples anciens.
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Hercule, marbre, d'après
l'école de Polyclète, 125 apJC. |
En allant encore plus loin dans l’interprétation,
Pierre Piobb a identifié les douze travaux d’Héraclès
avec les douze signes du zodiaque, ce qui confirmerait le caractère
solaire du héros. A chaque signe zodiacal correspondrait
différents symboles des travaux d’Héraclès :
- Au bélier correspondrait la victoire sur les géants
comme Géryon ou Cacus,
- Le signe du taureau symboliserait le taureau de Crète,
- Les gémeaux évoqueraient autant les colonnes d’Héraclès
que les relations du héros avec Eurysthée,
- Le cancer, à la fois l’hydre de Lerne et les oiseaux
du lac Stymphale,
- Le lion représenterait le lion de Némée,
- Le signe de la vierge, les amazones,
- La balance, les murailles de Troie et les écuries d’Augias,
- Le scorpion s’associerait au sanglier d’Erymanthe,
- Le sagittaire aux centaures et aux juments de Diomède,
- Le capricorne représenterait la biche de Cérynie,
- Le signe du verseau symboliserait Prométhée et
son aigle,
- Enfin le poisson évoquerait le monstre marin d’Hésione.
Quoi qu’il en soit, la signification exacte des travaux d’Héraclès
est aujourd’hui difficile à établir et malgré
les innombrables tentatives d’interprétations,
force est de constater que nous ne savons plus grand chose des
mythes en général, et celui d’Héraclès
en particulier ; il y a déjà plusieurs siècles
que nous avons perdu notre conscience mythique et que nous étudions
la mythologie uniquement sous la perspective logique et méthodique
de la science moderne.
Héraclès est le héros de toute la Grèce
antique et son tempérament inconstant ne lui a pas toujours
été favorable : on a voulu voir en lui une
brute épaisse dénuée d’intelligence,
à la fois ivrogne et glouton. Toujours est-il que les
grecs lui ont voué de nombreux cultes tous plus sincères
les uns que les autres car il reste avant toute chose un personnage
très populaire qui nous a laissé bon nombre d’expressions
comme un "cerbère", "les écuries
d’Augias", "des travaux d’Hercule",
"une force herculéenne"…Très souvent
associé à la force physique, Héraclès
dévoile pourtant bon nombre de ses faiblesses tout au
long de sa vie, à l’exception des douze travaux
où il apparaît véritablement invincible.
Sa vie se résume à une errance perpétuelle
dénuée de valeur pédagogique car le
héros ne paraît pas apprendre grand chose de ses
trop nombreuses erreurs…
Eternel exilé, il évoque dans ses voyages la conquête
de la Méditerranée que les marins grecs disputent
aux phéniciens ; c’est d’ailleurs par
la fondation des fameux comptoirs commerciaux que se diffuse
l’image du héros. Cependant même si Héraclès
est le visiteur du monde, il défriche le terrain des
futures fondations plus qu’il ne fonde des cités.
Bien qu'il ne se préoccupe guère de conserver
ses conquêtes territoriales, il n’en reste pas moins
le bâtisseur de villes comme Barcelone, Séville,
Cadix, Ségovie ou Florence…
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Henri IV en Hercule terrassant
l'hydre de Lerne
attribué à Toussaint Dubreuil (vers 1600). |
"Héraclès ne demande pas qu’on l’aime
ni qu’on le suive", nous dit Pierre Chuvin, malgré
ses défauts le héros prêche le courage,
l’effort et le repenti ; en outre, sa puissance va
inspirer quelques-uns uns des grands souverains de l’Histoire
comme Alexandre le Grand, l’empereur Commode ou le roi
Henri IV qui se font représenter sous les traits du demi-dieu.
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Pièces de monnaie
à l'effigie d'Alexandre Le Grand sous les traits d'Héraclès,
période Hellénistique. |
L'empereur Commode sous
les traits d'Hercule, marbre, IIème
siècle. |
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